Imposition des revenus de certains travailleurs frontaliers allemands

Une question parlementaire de Monsieur le député Marc Spautz à Monsieur le Ministre des Finances

Monsieur le Président,

J’ai l'honneur de vous informer que, conformément à l'article 80 du règlement de la Chambre des Députés, je souhaiterais poser plusieurs questions à Monsieur le Ministre des Finances relatives à l’imposition des revenus des travailleurs frontaliers.

La Convention de double imposition conclue entre le Luxembourg et l’Allemagne le 23 août 1958 (ci-après, la Convention de 1958) est fondée sur le modèle de l’OCDE de convention fiscale concernant le revenu et la fortune[1].

L’article 15 paragraphe (1) de ce modèle (article 10 de la Convention de 1958) prévoit que : « […] les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu’un résident d’un État contractant reçoit au titre d’un emploi salarié ne sont imposables que dans cet État, à moins que l’emploi ne soit exercé dans l’autre État contractant. Si l’emploi y est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables dans cet autre État ».

En principe, un résident d’un Etat contractant est imposé dans son Etat de résidence à moins que l’emploi au titre duquel ce résident reçoit un salaire est exercé dans l’autre Etat contractant, situation dans laquelle les revenus sont imposables dans l’Etat contractant dans lequel l’emploi est effectivement exercé[2].

Conformément à une interprétation faite par l’Allemagne, cette dernière hypothèse ne s’applique toutefois pas à la situation des travailleurs frontaliers allemands ayant conclu un contrat de travail au Luxembourg auprès d’un employeur luxembourgeois et qui sont envoyés, pour une période déterminée, dans leur Etat de résidence, ou dans tout autre Etat, pour y fournir des prestations. Dans ce cas, le résident allemand sera imposable en Allemagne au titre du salaire perçu pour l’emploi exercé dans son pays de résidence.

Il va sans dire que si cette interprétation de la Convention de 1958 était confirmée, les conséquences économiques pour le Luxembourg seraient considérables. Elles toucheraient pratiquement tous les secteurs de notre économie qui fournissent des services aux Etats voisins. Elles obligeraient les salariés et employeurs à tenir un registre précis des heures prestées et du salaire perçu dans le pays frontalier de résidence du salarié afin de déterminer pour quelle tranche du salaire le pouvoir d’imposition revient à l’Etat de résidence. La perte d’attractivité du Luxembourg en termes de main d’œuvre et d’intérêt pour les entreprises allemandes à s’établir au Luxembourg  risque d’être fort importante.

C’est dans ce contexte que j’aimerais savoir de Monsieur le Ministre des Finances :

  • Est-ce que le Gouvernement luxembourgeois mène des discussions avec les autorités allemandes afin de trouver une solution à cette situation ?
  • Est-ce que l’interprétation faite par l’Allemagne des dispositions de la Convention de 1958 est susceptible d’affecter d’autres conventions comme celles conclues avec la France ou la Belgique ou encore avec d’autres pays ?
  • Est-ce que la Convention de 1958 devra être renégociée ?
  • Quel est l’impact sur la sécurité sociale ? Est-ce que les cotisations sociales seront à verser au pays de résidence du salarié ? L’article 13 du règlement CE n°883/2004 du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale des Etats Membres prévoit qu’en cas d’exercice d’activités salariées dans deux ou plusieurs Etats membres, la législation de l'État membre de résidence est applicable si la personne concernée exerce une partie substantielle de son activité dans cet État membre.
  • A combien estimez-vous le déchet fiscal en termes de recettes d’impôts que le Luxembourg risque de perdre ? Quel est le montant des impôts qu’il faudrait, le cas échéant, rembourser à l’Allemagne ? 

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma parfaite considération.

Marc Spautz
Député


[1] Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune, mis à jour au 22 juillet 2010 ; http://www.oecd.org/dataoecd/25/23/47213777.pdf .

[2] Ce principe souffre une exception prévue au paragraphe (2) de l’article 15 du modèle de convention fiscale (article 10 paragraphe (2) de la Convention de 1958). Le paragraphe (2) établit que, l’Etat de résidence conserve son pouvoir d’imposition lorsque son résident séjourne dans l’autre Etat (l’Etat de la source de ses revenus) pendant une période n’excédant pas au total 183 jours durant toute période de 12 mois ; lorsque les rémunérations sont payées par un employeur qui lui-même n’est pas résident de l’Etat de la source des revenus et lorsque la charge des rémunérations n’est pas supportée par un établissement stable que l’employeur a dans l’Etat de la source des revenus. Ces trois conditions sont cumulatives et visent la situation dans laquelle l’employeur et l’employé sont résidents d’un même Etat.

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