Conseil de l’Europe – Marc Spautz – 3 octobre 2014

Rétention des enfants migrants

L’ONU a fait savoir récemment que des centaines d’enfants sont « utilisés » en Irak pour commettre des attentats suicides. Des centaines d’autres enfants sont torturés et tués par les groupements extrémistes. D’autres enfants sont forcés d’assister aux massacres d’otages dans le but d’en faire des tueurs scrupuleux et d’imiter les actes barbares de ces terroristes.

Je reviens au conflit armé qui se déroule à l’est de l’Ukraine, où de nombreuses familles avec enfants ont été contraintes d’abandonner leur maison et sont désespérément à la recherche d’un refuge. Ceci se passe à l’intérieur même des frontières regroupant les pays membres du Conseil de l’Europe.

La communauté internationale est appelée d’urgence à venir en aide aux personnes fugitives. Il me semble évident qu’il est de notre devoir le plus fondamental de défendre les intérêts de l’être humain et de l’enfant en particulier, et de nous mobiliser ensemble afin d’éviter une nouvelle catastrophe humanitaire.

Je l’avais déjà évoqué dans un précédent discours au sein de l’Assemblée : « Pour le Parti chrétien-social luxembourgeois, la politique d’asile et d’immigration se réfère d’abord aux principes fondamentaux des droits de l’homme dans le monde entier. Cette politique doit être abordée de manière multilatérale et coordonnée. Tant que les pays appliquent des mesures différentes voire contradictoires en matière d’asile et d’immigration, l’Union européenne ne pourra prétendre à une politique d’asile cohérente. »

J’en viens au sujet qui nous préoccupe ici : le placement en rétention d’enfants migrants. Il s’agit d’un phénomène malheureusement encore bien courant dans de nombreux pays, parmi eux aussi des membres du Conseil de l’Europe. Les enfants sont souvent arrêtés parce qu’ils ne disposent pas de papiers d’identité ou de documents en conformité. Or, ce n’est pas la faute ni la responsabilité de l’enfant. La rétention d’un jeune être humain le prive de tout soutien psychologique, sanitaire, éducatif et scolaire et lui enlève par conséquent ses droits fondamentaux. Un enfant placé en rétention risque d’être perturbé psychologiquement et de vivre avec des troubles de comportement tout au long de son enfance et plus tard dans sa vie. Cela ne peut en aucun cas être un environnement respectueux et acceptable pour un enfant.

J’estime que nous pouvons être soulagés d’entendre d’un côté que certains pays ont réagi en promouvant des solutions alternatives au placement en rétention. Mais ce soulagement est nuancé lorsque de l’autre côté, nous entendons que l’application de ces dernières n’est pas toujours garantie. Il faut donc continuer à mettre en œuvre des cadres légaux prohibant le recours à la rétention des enfants et à procéder également à une meilleure sensibilisation des agents des autorités et forces publiques.

Beaucoup d’enfants migrants sans papiers se déclarent mineurs. Qu’il s’agisse d’une déclaration juste ou fausse, les autorités sont toujours priées de considérer la possibilité qu’il pourrait effectivement s’agir d’un enfant, et ce jusqu’à preuve du contraire. Les procédures ne doivent cependant pas ressembler à celle d’une rétention ou d’une rétention provisoire en attendant la détermination exacte de l’âge de la personne.

Aucune raison ni aucun avantage n’existe dans l’emprisonnement d’une personne mineure en migration. Outre les conséquences dramatiques qu’une claustration pourrait constituer pour l’enfant, elle coûte cher aux administrations et surcharge inutilement les centres en question. Les chiffres l’ont démontré aux Etats-Unis, au Canada et en Australie. Ces trois pays ont pu réduire de 60 à 90% le budget nécessaire grâce à un changement de politique.

Nous avons, au sein du Conseil de l’Europe, des pratiques et mentalités très divergentes en ce qui concerne la politique d’asile et de l’immigration. Certains pays interdisent systématiquement la rétention des mineurs, alors que d’autres pays sont en train de préparer un cadre légal, tandis qu’une autre série de pays choisissent encore et toujours l’option de la rétention, qu’il s’agisse de personnes adultes ou d’enfants.

Nous sommes d’avis qu’une position commune doit être élaborée et adaptée de manière uniforme, afin de donner un exemple de bonne gestion et de cohérence à l’adresse des autres continents et des personnes fugitives.

J’aimerais profiter de mon temps de parole restant pour vous rappeler que le Grand-Duché de Luxembourg, en tant qu’actuel membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, préside depuis l’année dernière le groupe de travail « Enfants et conflits armés ». Cette campagne a comme objectif d’en finir d’ici 2016 avec le recrutement et l’utilisation d’enfants dans les forces armées par les gouvernements se trouvant en situation de guerre ou de conflit. Je vous rappelle également dans ce cadre que le 7 mars dernier le Conseil de sécurité a adopté à l’unanimité une nouvelle résolution à cet effet.

Je vous remercie de votre attention.

Marc Spautz

 

 

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